Hommage à Christiane Martial

Publié le 24 septembre 2025

« Chef Cri-Cri » a cessé d’émettre ! Tel était le surnom que les soldats lui donnaient en Indochine, là-haut sur les pitons isolés ou lors des combats de la RC4 en l’entendant chanter pour eux sur les radios en dehors de ses vacations. Christiane Martial, l’amie de Geneviève de Galard, l’ange de Dien Bien Phu, s’est éteinte discrètement à l’aube de ses 100 ans. Elle était considérée comme une « grande dame » au sein du monde combattant finistérien mais aussi au sein de toutes les associations du pays fouesnantais dans lesquelles elle œuvrait.

 

Christiane Martial est issue d’une famille patriote. Son père qui a vécu la « der des der » fut son premier exemple. Elle a connu la résistance à Quimper à l’âge de 14 ans avec son frère Albert qui s’est illustré au sein de la 7ème compagnie des FFI. Marquée profondément par cette période elle s’est engagée volontaire, le 9 mars 1945 à Rennes, pour rejoindre comme transmetteur l’armée Rhin-Danube du général de Lattre de Tassigny et participer ainsi à la libération de la France.

 

Puis elle est partie en juin 1948 comme chef de section transmission de l’infanterie coloniale pour trois séjours en Indochine. C’est pendant cette mission qu’elle rencontrera son mari, Raoul, un « para colo » qui a servi au sein de la prestigieuse 10ème division parachutiste avec Massu et Bigeard. Ils ont vécu ensemble tous les moments forts de cette guerre lointaine dans la jungle et les rizières.

Après ce long séjour elle sera affectée aux transmissions de la présidence du Conseil à la Tour Maubourg aux Invalides jusqu’en 1959, puis de nouveau sur le terrain en Afrique du Nord pour suivre son mari, de nouveau engagé sur le front algérien, jusqu’au retrait des troupes en 1962. C’est à ce moment qu’elle a décidé d’arrêter sa carrière militaire.

 

Par la suite, elle n’a cessé de s’occuper des associations du monde combattant : les paras en mémoire de son mari décédé en 1994, mais aussi les combattants volontaires, les anciens d’Indochine, les troupes de marine et les marins pour lesquels elle avait un attachement particulier en mémoire de son frère Gérard, disparu en mission en mer le 16 juin 1940 à bord du sous-marin Morse au large de la Tunisie.

Lorsqu’elle a posé son sac à Beg-Meil en 2000, dans la maison de ses parents pour sa retraite, elle a continué à œuvrer inlassablement auprès des écoles en termes de devoir de mémoire, aux côtés de la municipalité en tant que porte drapeau de Fouesnant, et ce jusqu’au bout de ses forces, pour toutes les cérémonies et commémorations. Elle fut aussi un pilier de l’association des anciens combattants du pays fouesnantais, sans oublier sa passion pour le chant en tant que choriste de l’Echo des vagues. Le 14 juillet 2017, à la suite d’une initiative de 80 membres de la Légion d’honneur de la Cornouaille, le Grand Chancelier de la Légion d’Honneur lui a attribuée la Croix de chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur. Ce fut un grand moment pour elle, mais aussi pour le pays fouesnantais, en termes de reconnaissance.

 

Elle rejoint toutes ces figures locales, souvent discrètes, oubliées, méconnues, qui ont incarnées nos pages d’Histoire de la France. Au fil des ans, ils nous ont tous quitté laissant derrière eux des épopées tout simplement incroyables qui interpellent sur le sens de l’engagement. Ils avaient tous entre 16 et 20 ans quand ils ont choisi de défendre la liberté plutôt que la soumission. La stèle des fusillés de Mousterlin est là pour nous le rappeler. Pour l’adolescente Christiane Martial « il fallait sauver la France ! ». Quand on échangeait avec elle, elle n’avait que cette trinité de verbes qui ne faisait qu’un chez elle : « Servir, s’engager, et donner le meilleur de soi ! »

 

Elle appartenait à cette cohorte de soldats et de résistants qui ont marqué par leur parcours le pays fouesnantais. Ce furent Alain Bodivit de Clohars Fouesnant, Jacques Voisard de Gouesnac’h, Jean Le Corre de Saint-Evarzec, nos deux bérets verts Jean-Louis Poullelaouen de Bénodet et Jean-Louis Francois Cabellan de Fouesnant qui ont débarqué à Ouistreham avec les 177 commandos du Commandant Kieffer. Ils ont tous répondu présent à des moments cruciaux alors qu’ils n’y étaient pas obligés. Christiane Martial était la dernière de cette cohorte. Elle était la doyenne du comité de la Légion d’honneur du pays fouesnantais et de la section du Finistère de la Fédération Nationale des Combattants Volontaires.

 

Quelle leçon de vie pour nous tous. Beaucoup considèrent que servir est d’un autre temps, que l’engagement peut se limiter à un acte contractuel et qu’aller au-delà de soi et donner ce que l’on a de mieux n’a de sens que si c’est reconnu et mis en scène. L’acte gratuit, discret, humble, celui du vrai courage dans la durée reste d’une grande actualité grâce à son formidable exemple. Tous ceux qui l’ont connue n’oublieront jamais son sourire, son élégance, sa détermination mais surtout cette bouffée de vie et d’espérance qui imposait le respect. Dans l’intimité elle disait souvent que « sans cette volonté de servir une cause supérieure à soi-même, sa vie n’aurait pas trouvé le même sens ».

 

Christiane Martial avait ce souffle inexplicable qui permet entre autres aux soldats de surmonter moralement les misères humaines et de trouver la force pour se battre au péril de leurs vies contre la barbarie sans cesse renaissant de ses cendres. L’actualité est là pour nous le rappeler… Elle était titulaire de la Croix de chevalier de la Légion d’honneur, de la Médaille Militaire, de la Croix du Combattant Volontaire avec les agrafes 39/45 et Indochine, de la médaille d’outre-mer, des commémoratives 39/45, Indochine et Algérie, et de la Croix de la Vaillance Vietnamienne (remise par l’empereur Bao-Dai).